RÉSUMÉ

L’imposition des jeux de hasard au Portugal a subi plusieurs changements au fil des ans et repose principalement sur l'imposition des opérateurs et sur une vision des gains résultant de la chance, le fruit de ce que l'on appelle les "jeux de fortune ou de hasard". Toutefois, la nature du poker joué par des joueurs professionnels indique que son caractère de simple "jeu de chance" peut ne pas correspondre à la réalité. On peut même affirmer que le poker est aujourd'hui principalement un jeu d'adresse ou d'habileté, ce qui implique l'imposition des revenus obtenus par les joueurs, dans le cadre de l'IRS, en tant que revenus professionnels ou d'entreprise (catégorie B).

INTRODUCTION

L’imposition des jeux de hasard au Portugal s'est concentrée, d'une part, sur les opérateurs. D'autre part, elle a considéré les gains obtenus par le joueur comme étant fortuits, résultant de la simple chance, en mettant clairement l'accent sur le caractère aléatoire du pari.

Initialement, ces gains étaient imposés au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques ("IRS"), en tant que plus-values (catégorie G), un cadre fiscal qui a changé avec la réforme de la fiscalité du patrimoine, ces gains étant désormais imposés au titre du droit de timbre («Imposto de Selo»), à des taux d'imposition prélevés sur le montant résultant du pari ou du prix.

Le cadre juridique et réglementaire a été modifié entre-temps et l'on peut affirmer qu'il n'a pas non plus suivi l'évolution technologique des jeux de hasard, en particulier des jeux en ligne.

Le cadre fiscal applicable aux revenus des joueurs de poker professionnels manque actuellement de clarté, et leur inclusion dans les règles d'incidence de l'IRS n'est pas sans susciter des doutes.

LE CADRE JURIDIQUE DES JEUX DE HASARD AU PORTUGAL

Les jeux de hasard sont réglementés par le Décret-loi n° 422/89 du 2 décembre ("loi sur les jeux de hasard").

La notion de jeu de hasard est établie dans la loi sur les jeux de hasard, qui définit les jeux de hasard comme "ceux dont le résultat est contingent car il repose exclusivement ou fondamentalement sur la chance". Cette loi sur les jeux de hasard ne prévoit que certaines formes de jeux de hasard, à savoir les jeux de casino. Les autres types de jeux de hasard sont exclus, tels que les jeux sociaux de l’État et le poker, les paris hippiques, ainsi que les jeux dont le résultat repose exclusivement ou fondamentalement sur l'habileté du joueur : les jeux dits d'adresse.

L'exploitation des jeux de hasard et d'ar-gent connexes est soumise à l'autorisation du membre du gouvernement chargé de l'administration interne, qui établit, dans chaque cas, les conditions jugées appro-priées et détermine le régime de contrôle respectif.

LE JEU EN LIGNE

Nous expérimentions actuellement une période de forte expansion des jeux d'argent, notamment en raison de l'émergence et de la croissance exponentielle d'une nouvelle réalité: les jeux d'argent en ligne.

En fait, la loi sur les jeux de hasard était insuffisante pour faire face à cette nouvelle réalité, d'où la nécessité d'élaborer de nouvelles réglementations. C'est dans ce contexte qu'est né le Décret-loi n° 66/2015, du 3 décembre ("RJO"), qui réglemente l'exploitation et la pratique des jeux et paris en ligne.

Le RJO a établi que le droit d'explorer les jeux et les paris est réservé à l'État. Toutefois, il est permis, par l'octroi de licences, aux personnes morales de droit privé, constituées en société à responsabilité limitée ou équivalent, ayant leur siège social dans un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, et à condition, dans le cas des sociétés étrangères, qu'elles aient une succursale au Portugal, d'explorer les catégories de jeux et de paris en ligne expressément autorisées.

LE CAS DU POKER

Compte tenu du cadre juridique portugais en matière de jeux de hasard, la nature du poker en tant que jeu de hasard peut être remise en question - du moins en ce qui concerne le poker en ligne - notamment parce que le législateur ne l'inclut pas parmi les modalités de jeu de hasard dans la loi sur les jeux de hasard.

C'est dans le jeu en ligne que le poker diffère par nature des autres jeux de casino (traditionnels): les joueurs ne jouent pas "contre la maison", ils jouent entre eux, et certains joueurs gagnent systématiquement plus que d'autres. S'il s'avère que certains joueurs gagnent systématiquement plus que d'autres dans les confrontations directes, la question se pose de savoir si le poker ne devrait pas être qualifié de jeu d'adresse (bien que, dans des échantillons restreints et à court terme, la chance puisse jouer un rôle prédominant) plutôt que de simple jeu de hasard.

À ce doute s'est ajoutée la figure du joueur professionnel, qui se consacre exclusivement ou principalement à ce jeu, dont il tire la majeure partie, voire la totalité, de ses revenus. Alors que cette figure apparaissait rarement à l'époque où le poker se jouait physiquement dans les casinos, avec l'expansion des jeux d'argent en ligne, il y a de plus en plus de joueurs professionnels de poker en ligne.

L'IMPOSITION DU POKER DANS D'AUTRES PAYS

Une analyse comparative de cette question est nécessaire. Certains pays ont déjà trouvé des solutions pour réglementer et imposer le poker dans une optique plus professionnelle, et non comme un simple jeu de hasard.

Au Brésil, le poker a cessé d'être qualifié comme un jeu de chance ou de hasard stricto sensu, pour être qualifié de jeu de stratégie et d'adresse, car il a été démontré que l'élément "chance" pour les joueurs professionnels tend à diminuer au fil des ans.

Dans le système juridique allemand, le fait qu'un joueur soit professionnel ou amateur affecte de forme considérable les impôts à payer. Ainsi, la Cour fédérale des impôts a statué que les joueurs professionnels doivent être imposés sur leurs revenus (moins les dépenses encourues), à l'exception des joueurs amateurs, qui sont exonérés d'impôts sur leurs revenus occasionnels.

L’IMPOSITION DU POKER AU PORTUGAL

Les gains provenant des jeux et paris en ligne au Portugal sont imposés, conformément aux règles définies dans le RJO, dans la sphère des opérateurs, et non dans la sphère du joueur individuel. Les opérateurs sont soumis à un impôt spécial sur les jeux en ligne - non soumis à l'impôt sur le revenu des sociétés ("IRC"), ni au droit de timbre - qui est prélevé mensuellement par l'Institut portugais du tourisme, I.P., par l'intermédiaire de sa Commission des jeux et de son Service de régulation et d'inspection des jeux.

Cet impôt spécial est prélevé sur les recettes brutes de l'opérateur à un taux de 25 %, et le montant perçu au titre de la commission facturée au joueur est inclus dans les recettes brutes.

La vision selon laquelle le poker est un jeu de hasard conduit à l'exclusion du concept de joueur de poker professionnel en tant qu'assujetti, puisque la nature même des jeux de hasard n'est pas compatible avec la génération de revenus périodiques et réguliers.

Toutefois, il n'est pas possible d'exclure définitivement l'imposition de ce revenu régulier gagné par le joueur professionnel de poker en ligne.

En effet, la nature globale de la règle d'incidence des revenus professionnels ou commerciaux (catégorie B), prévue dans le code de l'IRS, peut conduire à comprendre que les revenus gagnés par un joueur de poker professionnel tombent dans le champ d'application de cette règle et, en tant que tels, sont soumis à l'IRS.

Toutefois, afin de conclure pour l'imposition de ces revenus, il est nécessaire de déterminer s'il y a lieu de considérer que ces revenus résultent d'une activité professionnelle ou commerciale du joueur, source habituelle de revenus, qui devrait, concomitamment, être soumise à l'imposition, au titre de l'IRS, en tant que revenu.

On pourrait faire valoir qu'au poker, les gains d'un joueur proviennent de la chance, à savoir les cartes dont dispose le joueur par rapport à celles des autres joueurs, et que l'habileté éventuelle du joueur n'est pas déterminante dans l'obtention de gains qui donnent lieu à un revenu imposable. Dans ce cas, on ne peut pas comprendre qu'il s'agit de revenus provenant d'activités professionnelles ou commerciales, puisque le caractère déterminant de l'obtention des gains ne réside pas dans un effort, une capacité ou un acte du bénéficiaire des revenus.

D’autre part, on pourrait affirmer que le joueur de poker professionnel ne doit pas ses gains de jeu à la chance. Ces gains résultent du développement de diverses compétences techniques et cognitives, de l'étude et de l'application du temps, qui permettent d'améliorer l'habileté et l'expertise avec lesquelles le joueur est capable de remporter ses victoires, en particulier en ligne, sur ses adversaires.

Il s'agit en effet d'une tendance, notoirement, en expansion croissante, avec l'émergence de l'étude et de la formation au jeu de poker et, également, le développement de certaines techniques qui présentent des résultats évidents dans la sphère des joueurs professionnels.

À cet égard, l'habileté, la capacité et les compétences du joueur de poker sont essentielles pour que les joueurs puissent atteindre la fin des tournois, dans lesquels des prix importants sont remis (il existe des tournois avec un premier prix minimum garanti de 1 000 000 USD).

Il semble donc qu'il y ait une base pour considérer que le poker n'est pas, effectivement, un jeu de hasard, mais peut être décrit comme un jeu d'adresse et de stratégie, impliquant l'application de compétences, de connaissances et de temps, sur une base régulière, qui génère (presque) tous les revenus des joueurs, ce qui permettra la classification fiscale respective dans la catégorie des revenus d'entreprise et des revenus professionnels (B) de l'IRS.

Si tel était le cas, les joueurs de poker professionnels dont les revenus annuels bruts ne dépassent pas 200.000 € seraient couverts par le régime simplifié et seraient obligés de tenir une comptabilité organisée s'ils dépassent ce montant. Les revenus seraient alors soumis aux taux généraux de l'IRS, variant entre 14,5 % et 48 % (plus un impôt de solidarité supplémentaire, variant entre 2,5 % et 5 % pour les revenus supérieurs à 80.000 € et 250. 000 €, respectivement).

Des doutes subsistent toutefois quant à la question de savoir si les joueurs de poker professionnels relèveraient de l'une des activités visées à l'article 151.º du Code de l’IRS et dans quelle mesure les coefficients du régime simplifié leur seraient applicables.

En tout cas, la déclaration de ces revenus, en termes d'IRS, n'est pas vérifiée, ce qui n'est pas facilité par le manque de clarté du législateur quant à l'imposition en question.

Néanmoins, il conviendrait de préciser la nature de l'activité de poker, à savoir s'il s'agit d'un jeu d'adresse ou d'habileté ou d'un simple jeu de chance ou de hasard, afin de mieux déterminer l'inclusion des revenus perçus par les joueurs professionnels, étant donné que les joueurs amateurs, par la nature occasionnelle de leurs revenus, resteraient en dehors du champ d'application de la règle d'imposition.

Le "Groupe de travail pour l'évaluation du régime fiscal des jeux et paris en ligne et du régime d'exploitation et de pratique des paris hippiques mutuels sur base territoriale" ayant été créé par le gouvernement, par le biais de l'ordonnance n° 978/2019, du 28 janvier, nous considérons que le moment est venu de clarifier ce point et d'établir, avec un caractère plus définitif, le cadre fiscal applicable aux joueurs de poker professionnels.

CONCLUSIONS

L'incertitude qui entoure la question de savoir si les gains obtenus par les joueurs de poker professionnels sont imposables ou non devrait être éliminée.

En fait, à toutes fins utiles, il convient de déterminer les caractéristiques juridiques du poker, tel qu'il est pratiqué par les joueurs professionnels, que ce soit dans les tournois ou en ligne. Doit-on le considérer comme un simple jeu de hasard ou, au contraire, comme le reconnaissent le plus souvent les joueurs eux-mêmes, comme un jeu d'adresse, d'habileté, de compétence, pour lequel les joueurs s'entraînent, étudient et se préparent de manière adéquate, et dans lequel ils développent leur activité professionnelle ou commerciale, de manière régulière, en générant la totalité ou la quasitotalité de leurs revenus annuels ?

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Lisbonne, 27 mars 2023

Rogério M. Fernandes Ferreira
Duarte Ornelas Monteiro
Joana Marques Alves
Ricardo Miguel Martins
Marta Cabugueira Leal
João Rebelo Maltez
Bárbara Teixeira Neves
Raquel Silva Simões

(Private Clients Team)